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Billet du 29 mai 2022

En cas de projet de retrait de la cote d’une société de la part du majoritaire, un expert indépendant est nommé pour apprécier l’équité de l’offre. Lorsque l’offre de retrait ne suit pas un changement de contrôle, mais résulte de la volonté du majoritaire de fermer le capital de sa filiale, comme pour SMTPC avec VINCI et Eiffage, il n’y a pas de transaction avec un tiers qui puisse servir de référence de prix.

D’où le rôle crucial de l’expert indépendant qui, depuis 2020, est nommé par un comité d’administrateurs de la cible d’au moins 3 membres dont une majorité d’indépendants. Dans le cas de SMTPC, celle des deux administratrices qualifiées d’indépendantes, également administratrice indépendante d’Eiffage, ne s’est pas estimée suffisamment indépendante pour pouvoir participer à cette désignation. C’est une administratrice dont l’indépendance est à géométrie variable !

Depuis 2020, les minoritaires ont la faculté de rencontrer l’expert avant que celui-ci ne finalise son rapport. C’est un vrai progrès et permet de le sensibiliser à des points que le majoritaire préférerait taire.

Mais la position de l’expert indépendant est complexe. Même s’il doit sa nomination aux administrateurs indépendants, il sait que, la plupart du temps, son nom a été inscrit sur une liste d’experts possibles par les avocats ou les banquiers de l’initiateur. Sans sa présence sur cette liste, il n’aurait pas été sollicité pour participer à un appel d’offres. Il sait que s’il se montre trop indépendant d’esprit en demandant la révision d’un plan d’affaires visiblement manipulé pour justifier une offre au rabais, s’il se montre trop réceptif aux observations des actionnaires minoritaires, il risque d’être catalogué comme tel par les avocats et les banquiers d’affaires, et de disparaître alors de la liste des experts susceptibles d’être sollicités lors d’une prochaine offre.

Aussi saluons le courage de l’expert sur SMTPC, tant il est rare d’en rencontrer un qui refuse d’attester l’équité d’une offre pouvant induire une expropriation, ce qui a conduit les initiateurs à hausser leur prix de 28%, à 27€, sans option d’expropriation. Mais il n’est pas non plus inconscient. Alors il ruse. Si dans le corps de son rapport, il acquiesce à l’équité d’une offre sans expropriation à 27€, dans les annexes, il fournit tous les éléments pour déconstruire ce prix de 27€. Ainsi, il utilise un taux d’actualisation qui, dans le haut de sa fourchette, à 7,6%, est celui que les autoroutiers ont toujours réclamé dans leurs négociations avec les pouvoirs publics, sans en apporter la moindre justification. Mais en annexe, il rappelle qu’Eiffage vient de racheter le minoritaire sanef groupe dans l’A65 avec un coût du capital à 4,8%.

Message parfaitement reçu par les minoritaires qui n’ont été que 6% à apporter leurs titres à cette offre au rabais.

Il existe dans ce dossier, triste par bien de ses aspects, une femme forte qui fera l’objet de notre billet de la semaine prochaine.